Les médias parlent de plus en plus des enjeux environnementaux en lien avec la gestion des sols contaminés et des matières dangereuses. Le CRE Lanaudière a pris le temps de décortiquer le problème sur son territoire et les solutions.
Aujourd'hui encore, les projecteurs se braquent de nouveau sur un enjeu environnemental préoccupant : la gestion des sols contaminés et des matières dangereuses. Plus particulièrement, c’est le transport et l’enfouissement de sols contaminés aux PFAS – ces substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques, surnommées « polluants éternels » – qui suscitent une colère grandissante, des demandes de moratoire et un appel urgent à la transparence de la part du gouvernement fédéral.
Ce que révèle la situation à Mascouche
Actuellement, près de 80 000 tonnes de sols contaminés aux PFAS ont été extraites de la base militaire de Bagotville, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, pour être transportées jusqu’au site de Signaterre Environnement, à Mascouche. Pas moins de 80 000 autres tonnes seraient en chemin.
Ce transport couvre plus de 450 km, ce qui soulève des questions non seulement logistiques, mais surtout environnementales et sanitaires.
Des élus de Lanaudière, dont le maire de la Ville de Mascouche, demandent un moratoire sur ces opérations de transport et d’enfouissement, en invoquant l’absence de normes claires régissant la décontamination préalable des PFAS. Ils soulignent aussi que Québec avait recommandé un traitement thermique de ces sols avant leur enfouissement pour réduire le risque de pollution, mais que cette demande aurait été refusée par la Défense nationale.
Les risques associés aux PFAS
Les PFAS sont particulièrement redoutés pour leur persistance dans l’environnement : ils ne se dégradent pas facilement et peuvent migrer dans le sol, l’eau souterraine et les écosystèmes.
Selon des spécialistes et des élus, enterrer ces sols sans les traiter expose les populations locales à des risques à long terme : lixiviats toxiques, risque d’écoulement, contamination de nappes aquifères, etc. L'une des craintes concerne les filtres qui doivent être remplacés fréquemment pour traiter les lixiviats suintants des cellules d’enfouissement, ce qui représente un coût important et un engagement à long terme.
De plus, ils exigent que les terres déjà enfouies soient décontaminées thermiquement, comme cela a été fait dans d’autres bases militaires, notamment Borden en Ontario, afin de minimiser le risque de fuite future.
Enjeux réglementaires et de gouvernance
Le CRE Lanaudière aimerait que le gouvernement prenne la responsabilité des PFAS : non seulement en arrêtant l’arrivée de nouvelles terres contaminées à Mascouche, mais aussi en s’engageant à payer pour la prise en charge des PFAS, notamment le remplacement des filtres et le traitement des lixiviats sur le long terme.
Sur le plan réglementaire, le manque de cadre contraignant au Québec et au Canada pour la disposition sécuritaire des PFAS est frappant. Plusieurs élus locaux dénoncent un « aveuglement volontaire » : sans normes claires, ils estiment que la Défense nationale ne fait que déplacer le problème au lieu de l’éliminer définitivement.
De plus, ils soulignent une disparité entre les approches : là où certaines bases ont exigé un traitement thermique, à Mascouche, on opte plutôt pour l’enfouissement « tel quel ».
Transparence et participation citoyenne
Le dossier suscite aussi des critiques quant au manque de transparence : la Ville de Mascouche a récemment exprimé son insatisfaction face au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), demandant que les résultats des analyses de contamination soient rendus publics et que les échéanciers de réhabilitation soient clairement communiqués.
Rappelons qu'un comité de vigilance a été mis en place autour du site de Signaterre, comprenant, entres autres, des représentants de la Ville, des citoyens et le CRE Lanaudière. Ce comité joue un rôle essentiel dans le suivi des activités et des risques potentiels.
Les défis et les pistes d’action
- Principe de précaution : Les élus exigent que les futures demandes d’appel d’offres intègrent l’obligation d’un traitement thermique des sols fortement contaminés, et non simplement un enfouissement « sûr ».
- Normes contraignantes : Il y a un appel pour l’élaboration et l’instauration de normes fédérales ou provinciales claires sur la manière de gérer les PFAS, notamment en ce qui concerne leur traitement avant enfouissement.
- Financement public : Une pétition en cours d'approbation demandera que le gouvernement assume la responsabilité financière, non seulement pour le transport, mais aussi pour les coûts à long terme liés au confinement et à la gestion des lixiviats.
- Surveillance et transparence : Le renforcement du rôle du comité de vigilance, la publication des résultats d’analyse et des plans de gestion, ainsi qu’une communication continue avec les citoyens sont essentiels pour restaurer la confiance.
- Réévaluation des sites contaminés : Certains demandent que les terres déjà enfouies soient décontaminées rétroactivement, ce qui représente un défi technique et financier majeur, mais pourrait être crucial pour prévenir un risque environnemental futur.
Au final, les débats autour des PFAS à Mascouche illustrent à quel point le traitement des matières dangereuses est un enjeu national, non seulement technique, mais aussi politique et social. Ce n’est pas simplement une question de transporter des sols d’un point A à un point B : il s’agit de décider comment nous, en tant que société, prenons soin de notre santé, de notre eau et de l’environnement, aujourd’hui et pour les générations futures.
Le moment semble venu d’un véritable tournant : imposer des normes robustes, responsabiliser les autorités et garantir la participation citoyenne. Sans cela, on risque de perpétuer ce que beaucoup qualifient de « problème pelletté à plus tard ».

